"Je ne sais pas vivre mais qui le sait ? il n'y a pas d'école pour les squelettes ni pour les anges et nous sommes un peu des deux à la fois. Je ne sais pas vivre, seulement voir les miracles.
La neige après avoir rendu impossible toute sortie pendant deux jours avait commencé à fondre. Sa blancheur piquée de diamants bleus était la robe d'une reine qui sans cérémonie entrait dans mon âme paysanne. << Dis un seul mot et je serai guéri. >> Elle n'a pas dit ce mot mais elle l'a suggéré. L'herbe est réapparue avec sa petite affirmation crâneuse sous le ciel dur.
Les gens de Port-Royal étaient captifs de quelques trilles d'évangélistes, d'une poignée de neige. Il y aura toujours, pour sauver le monde, quelques âmes éprises de ce qu'elles ont entrevu ou cru entendre. C'est par sa destruction totale que Port-Royal triomphe : le Bien finit toujours par perdre, c'est sa manière de gagner.
Nous vivons au pied d'une montagne enneigée qui dès l'instant de notre naissance a commencé à s'écrouler sur nous. Dans l'éblouissement de cette avalanche la pensée s'éveille et les apparitions se multiplient. L'âme est une hirondelle qui prend ses connaissances à la vitesse de l'éclair. La seule réponse au désastre est de le contempler et de tirer une joie éternelle de cette contemplation."
Christian Bobin - Les ruines du ciel (Folio n°5204 - p177)
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