Je me méfie des hommes « féministes »… deuxième partie !

Source : https://entreleslignesentrelesmots.blog/2016/11/28/je-me-mefie-des-hommes-feministes-et-vous-devriez-le-faire-aussi/

Je me méfie des hommes « féministes »… deuxième partie !


Pas tous les hommes ? Eh bien, en fait …

Le mois dernier, j’ai écrit un petit texte provocateur sur les hommes « féministes ». Fondamentalement, mon article mettait l’accent sur une série de questions, incitant les hommes à faire un peu d’introspection quant à pourquoi ils se disent féministes.

Après avoir écrit cet article et avoir lu (à tort ?) des réponses outragées dans divers réseaux sociaux, j’ai appris une leçon précieuse : les femmes ne devraient jamais, jamais remettre en question des hommes. Même si l’immense majorité de tous les crimes violents dans le monde sont commis par des hommes. Oh, et n’oubliez pas que toutes les industries les plus destructrices du monde – par exemple, l’agriculture industrielle, la nécrotechnocratie, le trafic sexuel, le complexe industriel militaire, etc. – sont dominées et gérées par des hommes.

On s’attend à ce que les femmes ignorent poliment ce fait, tout à fait vérifiable et universellement cohérent, pour la seule raison que les hommes n’aiment pas qu’on leur rappelle le fait que leur classe de sexe est de façon démontrable, incontestable, indisputable, globalement et historiquement plus violente que la nôtre. Ils font toute cette merde, ou ils regardent passivement les autres hommes faire toute cette merde, et puis ils ont le culot de se dire offensés quand des femmes en viennent à se méfier d’eux.

Le culot !

Que se passe-t-il lorsque vous énoncez ce fait évident, cette réalité, cette vérité que les hommes en tant que classe sociale sont plus violents que les femmes à des taux grossièrement disproportionnés, dans le monde entier, sans distinction de race, de religion ou de classe sociale ? Les hommes font ce qu’ils ont été conditionnés à faire quand quelqu’un dit quelque chose qu’ils ne veulent pas entendre : ils se mettent en colère. Et ils savent VRAIMENT comment se mettre en colère ! C’est comme si le scénario était écrit à l’avance… Chaque fois qu’une femme essaie de faire allusion à la violence machiste, même quand elle est polie comme un gâteau, les zhoms débarquent en bataillons pour la faire taire avec des blagues sexistes du genre « prépare-moi un sandwich » ou des insultes comme « suce-ma-bite » et « espèce-de-connasse » et « je-vais-te-crever-un-de-ces-soirs ». Malheureusement, la plupart des femmes plient face à ces agressions. Parce que, oui, la colère des hommes est terrifiante. Essayez de parler de la violence masculine, et des hommes vont inévitablement faire dérailler la conversation avec … encore plus de violence masculine. #LOLgique, non ?

Si je me souciais le moindrement de ce que les hommes pensent de ce que je dis, j’aurais probablement écrit après ce dernier paragraphe un propos rassurant comme « JE N’AI PAS DIT QUE TOUS LES HOMMES SONT VIOLENTS! J’AI DIT QUE LA PLUPART DES VIOLENCES SONT COMMISES PAR DES HOMMES ! ALORS SI VOUS N’ÊTES PAS VIOLENT, VOUS N’AVEZ PAS À VOUS EN FAIRE 🙂 CE N’EST PAS DE VOUS QUE JE PARLE 🙂 alorsnemetuezpass’ilvousplait »

Mais merde, je refuse d’écrire cela parce que je m’en fous. Allez-y, mettez-vous en colère. Si vous êtes le type de mec qui ne peut pas garder son sang-froid quand une journaliste à peine connue de Medium (coucou) énonce ce fait, que la violence est généralement un phénomène masculin, alors vous êtes exactement le genre de mec auprès de qui je refuse de perdre mon temps. La réalité n’est pas en débat, désolé. Et il ne vous suffira pas de me demander si j’ai mes règles, de m’accuser de « me méfier également des plantes en pot » ou de m’étiqueter « misandre » pour modifier cette réalité ou même pour m’empêcher d’écrire à son sujet. Ces tentatives de déstabilisation politique peuvent fonctionner avec d’autres personnes, mais ce genre d’expressions faciales ont cessé de m’affecter depuis des années.

Vous êtes toujours là ? Merci, mille mercis. Maintenant, voici ce dont je veux réellement parler :

Les hommes ne sont pas les seuls à se sentir offensés lorsqu’ils sont confrontés aux statistiques stupéfiantes sur la violence masculine mondiale. Des femmes ont aussi cette réaction. À en juger par certaines réponses offusquées à mon article, il semble que certaines femmes (lire: certaines hétéros) craignent que je leur demande de larguer leur copain et de s’en aller vivre dans une commune lesbienne séparatiste. Ne vous inquiétez pas, je ne le fais pas. Pas encore.

Ce que je nous demande de faire (« nous » = les femmes féministes), c’est de tenter une approche différente du féminisme.

Le féminisme traditionnel a l’habitude de mettre l’accent sur la victimisation des femmes. Ainsi:

    1 femme sur 6 sera violée au cours de sa vie.

    1 femme sur 4 sera agressée par un partenaire intime.

    Les femmes ne gagnent que ____ cents par dollar gagné par un homme blanc (le chiffre varie selon l’appartenance ethnique de la femme, son statut d’invalidité, etc.)

    Les femmes sont représentées de manière injuste et déshumanisante dans les médias

Vous avez déjà entendu tout cela et n’avez pas besoin que je le répète ici. Et oui, il est important de reconnaître les femmes qui sont battues, les femmes qui sont violées, les femmes qui sont appauvries. Quelqu’un a besoin d’être la voix qui relaie leurs récits.

Mais un problème affectant la rhétorique sur la victimisation est la facilité avec laquelle des antiféministes peuvent l’exploiter pour faire dérailler ces conversations. « Les hommes aussi sont violés / battus / assassinés ! », s’écrient-ils. Et c’est vrai. Ces crimes existent. Il est trop facile de faire échouer une conversation sur la victimisation en faisant du statut de victime une compétition. (On parle même de Jeux olympiques de l’oppression…)

Un autre problème avec la rhétorique féministe traditionnelle est qu’elle dépeint ces femmes victimes comme si elles existaient dans le vide. Comme si elles arrivaient de nulle part. Cette femme couverte d’ecchymoses s’est soudainement matérialisée ! C’était si bizarre ! Holà, en voici une autre ! Et une autre ! Mais d’où peuvent-elles provenir ?

Arrêtons de charrier. Arrêtons de prétendre que la violence arrive spontanément aux femmes, ou que les choses sont comme ça, et que l’on ne sait pas d’où viennent les blessures collectives infligées aux femmes.

Osons le processus de questionnement tant redouté !

« Les femmes sont violées » – oui, mais par qui ?

« Les femmes sont agressées » – oui, mais par qui ?

« Les femmes sont appauvries » – oui, mais par qui ?

« Les femmes sont injustement représentées dans les médias » – oui, mais par qui ?

« Des hommes aussi sont violés / battus / assassinés ! » – oui, mais par qui ?

C’est bon, vous pouvez le dire. C’est par des hommes. Si vous voulez parler des victimes de la violence, vous devez parler des auteurs de cette violence.

Je comprends pourquoi les femmes ne veulent pas défier les hommes aussi directement. Nous partageons cette planète avec eux. Et il n’y a pas beaucoup de choses plus effrayantes que la perspective que la moitié de l’humanité ne peut être digne de confiance.

Aussi: nous aimons les hommes. Nous ne faisons pas qu’aimer les hommes, nous les aimooo00Ooooo0OO0ooooOOOooons. Ce sont nos frères, nos pères, nos oncles, nos fils, nos amis, nos partenaires, nos mentors…

Mais, comme l’a si bien dit l’écrivain James Baldwin: « Si je vous aime, je dois vous faire prendre conscience des choses que vous ne voyez pas. »

Le fait de nommer le problème ne fait pas de vous une misandre ou une bitch ou une conne. Cela vous rend consciente. Cela signifie que vous êtes saine d’esprit. Et soyons réaliste, que vous soyez féministe ou non, polie ou non, du moment que vous êtes une femme, ils vous balanceront des insultes misogynes de toute façon. Comme le disait Mary Daly : « Je sais que je serai punie tout autant pour être un tout petit peu féministe que pour l’être sans réserve. Alors j’y vais sans réserve. »

Allons-y sans réserve, voulez-vous?

Alicen Grey

Version originale : https://medium.com/@alicengrey/not-all-men-well-actually-2d491d53dec4#.ksm7gzyow

Traduction : Martin Dufresne, pour TRADFEM avec l’accord de l’autrice.

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