L’écologie n’est pas une religion mais une politique de la responsabilité

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Laurence Hansen-Löve est membre du collectif Enseignants pour la planète et professeure de philosophie. Elle est l’autrice de Simplement humains. Mieux vaut préserver l’humanité que l’améliorer (Éditions de l’Aube, 2019).





L’écologie, rappelle l’autrice de cette tribune, n’approche en rien la religion et la croyance. Ses fondements sont tout autres.

Très schématiquement, disons qu’une religion, c’est un ensemble de convictions partagées, elles-mêmes dérivées de textes sacrés ou (et) de traditions plus ou moins immémoriales. L’Église, qui rassemble la communauté des croyants, le culte, les cérémonies, et les figures tutélaires — qui incarnent le Vrai et le Bien — y jouent un rôle déterminant (« Ce que nos Pères ont cru, nous le croyons »). Le principe de toute religion est l’hétéronomie : je me soumets volontairement (ou pas ) à la Loi qu’un Autre (Dieu ?) incarne ou bien que d’autres (Prophètes ?) ont consignée avant et hors de moi.

L’écologie n’est pas une religion. Elle ne comporte ni croyances prérationnelles ( telle que : « Je crois parce que c’est absurde ») ni textes sacrés. Ses figures tutélaires, qui sont contemporaines pour la plupart, sont des philosophes et des savants. Ils ne disent pas ce qui est Bien. Ils disent : « Écoutons les avertissements de la science. » Chacun en tiendra compte, ou pas, selon sa conscience. La clé de la philosophie écologique, c’est l’appel à la responsabilité de chacun et au respect de tous au nom de ce si précieux « esprit de responsabilité » qui nous spécifie. « Mes choix, dit Sartre, engagent l’humanité tout entière. » Le souci de l’intérêt des générations à venir ne peut être imposé ni même prescrit par qui que ce soit.

 Le principe de cette philosophie écologique est l’autonomie : à chacun de décider ce qui lui importe, notamment eu égard à l’avenir. La reconnaissance de l’« indécidabilité des fondements » (propre aux Modernes) interdit à quiconque de prescrire à d’autres une ligne de conduite. On peut certes s’indigner du comportement de certains (comme le fait Greta Thunberg)  : mais cette indignation ne constitue pas un projet de redressement moral. Car la morale est l’affaire de tous, non celle des autorités politiques ou spirituelles. Quant à la vérité, elle est relative, partielle et provisoire, comme nous l’ont appris les savants. Les certitudes n’ont pas ici droit de cité.
Quel monde voulons-nous pour demain ?

L’écologie politique n’est pas une éthique : la politique en tant que telle ne fournit ni ne prescrit des normes morales. La morale est une affaire privée. Les discours écologiques sont hypothético-déductifs comme toutes les démarches de type scientifique : « Si on fait ceci ou cela, voici ce qui pourrait en résulter. » Mais c’est à chacun de faire ses choix. Car la responsabilité est celle de chacun et il n’y a pas de juge suprême pour distribuer bons et mauvais points.

Pour finir et pour compléter, quelques remarques. Les écologistes ne sont pas puritains : voyez les premiers d’entre eux, Épicure ou Lucrèce. Tous les plaisirs peuvent être source de joie. À chacun de choisir, et de hiérarchiser ses plaisirs. Si les crimes doivent être définis par la loi, en revanche, aucune autorité n’est qualifiée pour prescrire les règles du bien-vivre. La question des orientations politiques (quel monde voulons-nous pour demain ?) doit être débattue sur la place publique et certainement pas tranchée a priori par des savants ou des experts. Des mesures autoritaires et (ou) impopulaires ne pourront être prises qu’à la suite de débats et selon des procédures démocratiques. Seuls des représentants élus et légitimes pourront prendre de telles mesures, certainement pas au nom du BIEN et du JUSTE, mais en fonction d’un mandat qui leur aura été donné pour le faire sur une base aussi consensuelle que possible. L’idée de dictature (voire de totalitarisme) écologique est totalement insensée.

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