Le jour de Pâques

Source : https://saluto.fr/le-jour-de-paques/


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Évoquer un être ou quelque chose qui est mort et vivant simultanément, c’est évoquer un intervalle. Au sujet de Pâques, on peut évoquer le Samedi Saint situé entre le Vendredi de la croix et le Dimanche du tombeau vide. On se trouve dans un moment où ce qui est important n’est plus là et où rien ne peut le remplacer. Une lumière s’est éteinte et une lumière ne s’est pas encore levée. On est dans l’obscurité. On est dans le regret de ce que l’on a perdu sans espoir de le retrouver.

Cet état est celui du deuil :

Le deuil, tout le monde connaît : une chose, un être qui avaient de la valeur à mes yeux a disparu. Cette valeur donnait à ma vie son sens, sa saveur, son orientation. Cela donnait de l’espoir, de la joie… À présent, c’est comme s’il me manquait la lumière de ma vie. Je suis dans l’ombre, désorienté. Je tourne en rond, comme dans la nuit d’une forêt profonde. Ce qui me manque était comme la flamme d’un flambeau précieux. J’en prenais soin car c’était ce qui donnait la valeur à ma vie. J’avais identifié la valeur de cette chose ou de cet être comme la mienne.

Mais le feu s’est éteint.

Je dois en convenir, ce feu était « un feu du passé » : un feu sans avenir. Aucun flambeau au monde ne sera jamais comparable au soleil qui ouvre de vastes horizons.

Un flambeau nous enferme au contraire dans le cercle de sa lumière. On est dans sa lumière tandis que d’autres sont au dehors dans l’ombre.

Ainsi, pour chaque chose ayant une valeur à nos yeux, il y aura toujours des gens qui ne partagent pas les mêmes valeurs et les profaneront.

Les valeurs auxquelles nous nous identifions, nous séparent plus qu’elles ne nous réunissent.

Ainsi, perdre ce qui a de la valeur à nos yeux, c’est faire l’expérience de la nuit, mais c’est dans cette nuit-là que l’on peut s’ouvrir à ce qui était dans l’ombre de nos valeurs. Le deuil est un moment où l’ouverture à ce qui est autre, devient possible. On lutte d’abord, regrettant le flambeau qui nous manque, et en même temps on est dans cet intervalle où du nouveau devient possible. C’est dans la nuit, lorsque l’on est plus aveuglé par un flambeau, que l’on peut apercevoir les lueurs de l’aube.

Il y a d’un côté le flambeau qui est « mort », éteint. De l’autre, une aube qui se lève.

Dans cet entre-deux, on est, sans pouvoir se tenir ni à l’un ni à l’autre. On est dans cette impossibilité, cette impuissance. Mais justement, on est ! On est, indépendamment des valeurs identificatoires. On se désidentifie d’elles.

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