"Le corps des femmes ne leur appartient décidément pas, et encore moins leurs seins"
par Joséphine de Rubercy publié le 27 août 2020
La semaine dernière, sur une plage des Pyrénées Orientales, des femmes bronzant seins nus ont été obligées, sur ordre de deux gendarmes, de renfiler le haut. Mais pourquoi les seins des femmes dérangent autant notre société ? Camille Froidevaux-Metterie, philosophe féministe et autrice, nous raconte cet organe tabou.
Et vous est-ce que vous avez de l'espoir face à cette réappropriation du corps des femmes ? Est-ce qu'on est en train d'y arriver ou pas ?
"Y arriver ? Non je ne crois pas… les mécanismes qui entretiennent cette condition objectivée sont très puissants, ce sont des mécanismes à la fois patriarcaux hérités du passé, de cette conception très fonctionnaliste du corps des femmes, mais ils sont aussi puissamment nourris par des logiques commerciales. Il y a tout un tas de gens qui ont intérêt à ce que le corps des femmes demeure un objet que l'on peut façonner parce que ça leur permet de vendre tous les objets qui permettent justement ce façonnage de leurs corps. Mais en dépit de la puissance de ces injonctions patriarcalo-commerciales, je suis assez confiante en réalité car ce que j'observe de cette nouvelle génération féministe qui a investi de façon très intense les questions corporelles, c'est qu'il y a quelque chose qui a été lancé. J'ai un peu du mal à imaginer qu'on puisse revenir en arrière… Il y a une sorte d'accomplissement du projet féministe. Le rôle que joue le corps des femmes dans leur existence et dans les relations entre les femmes et les hommes, en dépit de tous les droits et de toutes les avancées sociales, est resté le lieu de la domination masculine, plus exactement le lieu d'une prise masculine sur les corps. C'est ça aujourd'hui qu'il s'agit de refuser, de déconstruire… et j'ai quand même le sentiment que cette dynamique est bien enclenchée, en tout cas je l'espère."
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