Renoncer à quoi ?

utile discernement et claire conclusion, je trouve 😉



Yvan Amar - L'obligation de conscience
p114

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Lorsqu'un instructeur appartenant à la voie du monde enseigne, il est important qu'il rappelle qu'il s'adresse à des êtres vivants dans le monde, ce qui implique certaines conséquences. Le témoignage des grands saints et des grands réalisés, par nature contemplatifs, est authentique ; ce sont des êtres précieux, il nous faut les respecter et nous imprégner de l'influence bénéfique de l'immense qualité de la transformation de leur conscience.

Il existe néanmoins un enseignement qui concerne les êtres qui vivent dans le monde, un enseignement qui se fonde sur une conscience tout aussi éminente de la réalité divine en action dans le monde. Ce n'est pas parce que ce monde est soumis aux lois de l'apparition et de la disparition qu'il n'a pas de sens, bien au contraire. Cela oblige ceux qui vivent dans le monde à une aussi haute renonciation : être dans le monde, sans être intéressé.

Sur la base de la prise de conscience que ce monde est fait d'apparitions et de disparitions, si on décide de ne rien faire, qu'est ce que cela veut dire véritablement ?
Cela implique que le fait de n'en tirer aucun résultat justifierait alors de ne pas intervenir.
Ceci nous donne l'occasion de nous rendre compte que c'est parce que nous sommes encore intéressés par le monde que nous prétextons de l'impermanence des choses et de nos propres vies pour justifier un désintéressement. C'est faux : c'est l'intéressement implicite qui justifie le pseudo-désintéressement apparent.

Alors, la vraie grande renonciation dans le monde, ce n'est pas le renoncement à l'action, c'est le renoncement aux fruits de l'action,
c'est le fait d'apporter sa contribution pour la gloire de cette grande vie qui se déploie avant et après notre passage.


Revenons à cette citation de frère Antoine, tirée de la Bible : "La personne qui met la main à la charrue et qui regarde en arrière, celle-là n'est pas digne du Royaume." Mettre la main à la charrue veut dire que nous sommes dans le monde et que nous participons à l'avancée du monde : faire tourner la roue, faire avancer la charrue. Mais sans songer aux fruits de l'action. C'est à dire que nous prenons le monde avec ses lois, nous accomplissons la Loi, le Dharma : nous faisons tourner. Sans chercher le fruit, sans chercher la gratification, sans être mû par l'intérêt personnel.

Lorsque vous rencontrez un instructeur de la voie du monde, il établit d'emblée cette distinction, tout en vous faisant respecter la réalité de l'une et de l'autre de ces réalisations : celle du contemplatif et celle de la personne active. A partir de là, il nous appartient de nous positionner et d'assumer la vie dans le monde et, par voie de conséquence, de nous adonner à une pratique de conscience adéquate à notre vécu quotidien dans le monde. Trop souvent, les pratiques spirituelles issues de la fréquentation des solitaires et des contemplatifs nous font greffer dans des quotidiens d'êtres actifs des pratiques de contemplatifs. Parce que nous avons pratiqué un peu le matin et un peu le soir ces techniques contemplatives, nous pensons que nous sommes quittes, du point de vue de la conscience et de la spiritualité. Ou bien nous réservons cela au week-end, à la cérémonie hebdomadaire et à quelques offices marquants l'année. Non ! La pratique spirituelle n'est pas une greffe de contemplation dans une vie d'action. La pratique spirituelle, c'est l'action consciente, c'est vivre consciemment selon le mode dans lequel nous fonctionnons au sein du monde. Ce mode nous est révélé soit par une qualité d'intimité que nous allons amener du matin au soir dans notre vie quotidienne, soit par l'enseignement du témoin de cette voie là, un instructeur de la voie du monde.

Quelle est la pratique de la voie du monde ? C'est simple : là où siège la difficulté, là est la pratique.
Qu'est ce qui est difficile dans la voie du monde ? C'est l'autre. L'autre est la difficulté, l'autre est la pratique.

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