Mourir moins bête à propos du suicide...

Source : https://www.suicide.info

Préparer la crise suicidaire plutôt que préparer le suicide

Le fondateur de la suicidologie a prononcé une boutade qui n’est pas dépourvue de vérité.

«Ne vous supprimez pas quand vous êtes suicidaires.»

Edwin Shneidman

En d’autres termes, même si on regarde le suicide comme un droit de disposer de soi-même, même si le désir d’en finir semble légitime, voire rationnel, il a été démontré que le cerveau est en quelque sorte handicapé lors de la crise suicidaire aiguë. C’est donc un moment où le sujet en crise ferait mieux de… ne prendre aucune décision. Il ne peut voir d’autres options, il a une vision en «tunnel» et fonctionne de façon anormale.

 

 

Mieux comprendre le suicide

Source : https://3114.fr/quelques-notions-sur-le-suicide/

Pdf : https://3114.fr/app/uploads/2022/06/Mieux-comprendre-le-suicide.pdf

Le suicide, des facteurs qui se conjugent

Même si, virtuellement, tout le monde peut être concerné par des idées de suicide, la littérature scientifique montre que nous ne sommes pas tous égaux face au risque de suicide qui varie selon les personnes et les circonstances.

Le fait que certaines personnes soient plus à risque de suicide que d’autres s’explique notamment par la notion de vulnérabilité. La vulnérabilité d’une personne dépend de facteurs que l’on hérite de nos parents, d’éventuels problèmes survenus autour de notre naissance, d’événements de vie difficiles au cours de notre enfance et de notre adolescence ou encore de la présence d’un trouble de santé mentale.

Chez une personne présentant une vulnérabilité préalable, l’accumulation d’événements douloureux peut générer un niveau de souffrance intense qui finit par dépasser les capacités d’adaptation et devient insoutenable : les idées suicidaires émergent. Lorsque le niveau de souffrance devient critique, un dernier événement peut déclencher le passage à l’acte. Cet événement est appelé « facteur précipitant ».

Prenons la métaphore du vase : la taille du vase représente la vulnérabilité de la personne. À mesure que des événements douloureux surviennent, il se remplit, faisant monter le niveau de détresse. Lorsque le vase est plein, le facteur précipitant est comme la dernière goutte qui va le faire déborder : le passage à l’acte survient.

Les troubles de santé mentale représentent l’un des principaux facteurs de risque de tentative de suicide et de suicide. Même si toutes les pathologies sont concernées, la dépression est de loin la plus fréquemment retrouvée dans la crise suicidaire. Près de 70 % des personnes qui décèdent par suicide souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée ou non traitée. Or, la dépression comme les autres troubles de santé mentale peuvent être soignées de façon efficace. Leur guérison ou leur stabilisation permet de réduire considérablement le risque suicidaire. En réalité, la principale difficulté est souvent de faire le premier pas et d’oser parler de ses difficultés à un professionnel.

 


L’évolution de la crise vers le suicide

Les idées suicidaires, puis le passage à l’acte suicidaire surviennent rarement brutalement, du jour au lendemain. Il est important de se représenter la crise suicidaire comme un processus dynamique qui s’étend plus ou moins dans le temps, et qui est lié au niveau de détresse psychologique.

Trois métaphores permettent de mieux comprendre ce processus :

La boule de neige : plus un individu sera confronté à des événements de vie difficiles, plus son niveau de souffrance augmentera, plus il aura tendance à essayer de la réduire par des stratégies risquées ou inadaptées (ex. boire de l’alcool, s’isoler, se scarifier), et plus il subira les conséquences de ces mêmes stratégies (ex. une personne qui s’alcoolise pour apaiser ses angoisses est plus à risque de licenciement). C’est un cercle vicieux : le risque engendre le risque.

L’entonnoir : l’envahissement par la détresse tend à paralyser les capacités de réflexion de la personne, à biaiser sa vision du monde et à altérer son jugement. Plus la détresse augmente, plus la personne devient aveugle aux solutions qui permettraient de l’apaiser (et qui, le plus souvent, existent bel et bien), et plus la mort apparaît comme l’unique option pour la soulager. Les tentatives de suicide et le suicide procèdent de ce paradoxe : mourir pour ne plus souffrir.

La goutte d’eau : une personne qui est au bout de l’entonnoir, qui est submergée par sa détresse est comme un vase déjà plein. Une seule goutte d’eau suffit à le faire déborder.

C’est ainsi qu’un événement qui pourrait paraître modeste peut déclencher un geste suicidaire. On parle de facteur précipitant (ex. une rupture amoureuse, une perte d’emploi…). Un observateur extérieur pourrait avoir l’impression que le suicide ou la tentative de suicide est attribuable à ce seul évènement, à cette seule goutte d’eau. En réalité, la cause du suicide relève de la complexité de ce qui a contribué à remplir le vase.

Le suicide, Un processus réversible

Cette conception ouvre la voie à tout un ensemble d’interventions de soutien qui peuvent permettre de réduire le degré de souffrance et d’enrayer le cercle vicieux. Avec de l’aide et un accompagnement approprié, il est possible de trouver des ressources auxquelles on n’avait pas encore pensé jusqu’à présent.

Ainsi, nous pouvons tous aider une personne en crise suicidaire à entrevoir d’autres alternatives que la mort. Ce processus n’est pas irréversible ; on peut sortir d’une crise suicidaire à tout moment.

Mythes autour du suicide

Le suicide et ses mythes : les dépasser pour avoir une culture de prévention

Comme tout sujet sensible, le suicide est entouré d’idées reçues qui circulent dans la rumeur populaire, dans les médias, sur les réseaux sociaux, ou dans les productions artistiques. Aprioris moraux ou idées reçues, ces représentations sont des freins tant pour les personnes concernées que pour ceux qui pourraient apporter de l’aide.

Le suicide est lâche, courageux, égoïste...

Comme pour tout sujet moral, tenter de répondre à ces questions en appellerait à des réflexions d’ordre philosophique, éthique, théologiques, historiques, etc. Par nature, elles ne trouveraient pas de réponse consensuelle. Pour être opérationnelle, la prévention du suicide doit pouvoir mettre en suspens ces interrogations et se focaliser sur la notion de souffrance.

Il convient de garder à l’esprit que les idées et passages à l’acte suicidaires résultent presque toujours d’une souffrance d’une intensité telle qu’elle en devient insupportable. Parce qu’il est la seule option pour échapper à la souffrance lorsque toutes les autres solutions deviennent inapparentes aux yeux de la personne, le suicide résulte donc plus d’un non-choix que d’un choix. Il s’agit plus d’une aliénation à soi et à sa souffrance que d’une liberté.

Ce n'est pas grave...

« Je n’en peux de cette vie, je préfère mourir », « Si tu me quittes, je me suicide » : le fait de tenir régulièrement des propos suicidaires ou de les avancer dans un contexte relationnel ne diminue en rien le risque de passage à l’acte.

De même, les tentatives de suicide ne sont pas des « appels à l’aide » mais procède d’une intentionnalité de mourir dont il faut s’inquiéter car le risque réside dans une éventuelle récidive.

On ne peut pas prévoir.

La culpabilité après le suicide d’un proche est quasi-inévitable. Elle fait partie des mécanismes psychologiques du deuil. La plupart du temps, cette culpabilité porte sur le fait de n’avoir pas vu les signaux de détresse. Pourtant, ces signes sont quasi-constants avant un suicide, ne serait-ce que parce que la personne ne peut pas contrôler toutes les expressions de sa souffrance. Simplement, ces signes d’alerte peuvent être discrets, difficiles à interpréter, dispersés ou volontairement dissimulés à l’entourage par honte, culpabilité ou peur d’inquiéter.

Pour en savoir plus, consultez la page : Comment reconnaître les signes de détresse ?

Il existe une cause unique et facilement identifiable.

Le suicide est le fruit d’une interaction complexe entre une vulnérabilité individuelle et une séquence d’événements stressants. Même si l’importance du facteur précipitant ne doit pas être négligée, il sera toujours faux de réduire la cause du suicide à ce seul événement qui n’aurait pas eu les mêmes conséquences si la personne n’avait pas été fragilisée au préalable.

En d’autres termes, ce qui cause le suicide, ce n’est pas seulement la goutte qui fait déborder le vase, mais aussi tout ce qui avait contribué à le remplir, ainsi que la quantité d’eau que le vase est capable de supporter.

On ne peut rien faire.

La souffrance ressentie durant la crise suicidaire place les personnes dans l’incapacité transitoire d’entrevoir des solutions. Cela ne veut pas pour autant dire que ces solutions n’existent pas. Dans la très grande majorité des cas, une fois la souffrance apaisée, les idées suicidaires disparaissent.

Pour une personne suicidaire, le fait que quelqu’un s’inquiète, soit convaincu que le suicide n’est pas l’unique option et laisse entrevoir l’éventualité d’un apaisement suffit souvent à briser le cercle vicieux de la douleur et de l’isolement.

Une prise en charge adaptée, un traitement des troubles psychiatriques si besoin et un soutien psychosocial étroit ont montré leur efficacité dans la prévention du suicide c’est pourquoi il est important de contacter les professionnels de la ligne nationale de prévention du suicide en appelant le 3114.

Commentaires