Livre, article et podcast : Pour en finir avec la démocratie participative ?

Source : https://www.editionstextuel.com/livre/pour_en_finir_avec-_la_democratie_participative

Pour en finir avec la démocratie participative

Manon Loisel et Nicolas Rio

La démocratie participative s’est imposée comme le principal remède à la crise de notre démocratie représentative. De la plus petite commune rurale au plus haut sommet de l’État, chaque institution y va de son dispositif : conventions citoyennes, budgets participatifs, ou autres consultations en ligne. Cette injonction participative mérite pourtant d’être questionnée.

Les outils mis en place depuis deux décennies ne corrigent pas les limites de la démocratie représentative : abstention, déficit de représentativité des élus, centralisation du pouvoir… Le Grand Débat et la Convention citoyenne pour le climat en sont l’illustration. Loin de redonner du pouvoir aux citoyens, ces expériences ont surtout fait la preuve de leur impuissance à transformer le système politique.

Il est aujourd’hui nécessaire de mettre un coup d’arrêt à cette fuite en avant participative dont les fausses promesses ne font qu’accroître la défiance des citoyens. L’urgence n’est pas de (faire) participer, mais de démocratiser l’action publique en mettant fin à la surdité des institutions et en redistribuant l’accès au débat démocratique.

Leur blog

https://partieprenante.com/democratiser-laction-publique-transformer-lessai/

https://partieprenante.com/plaidoyer-pour-ingenierie-democratique/

Article


Manon - Dans le livre on reprend une citation de Bruno Latour, qui écrivait que le problème de notre démocratie, c’est qu’on a des muets qui tentent de s’adresser à des sourds. On a l’impression que la démocratie participative se focalise sur l’expression des citoyens et donc sur le fait de rendre la parole à des « muets ». Mais si on rend la parole à des muets alors que les sourds le demeurent, il nous semble que ça va plutôt augmenter la frustration, la défiance et la colère.

Selon nous, un des enjeux centraux est donc l’amélioration de la capacité d’écoute des institutions publiques - autant des élus que de l’administration. Ce n’est pas rien, de travailler cela dans des routines qui sont très bureaucratiques, techniques. Dans l’ouvrage, nous proposons plusieurs pistes pour y parvenir.

Nicolas - Au début de l’écriture du livre, on avait une formule en tête : « Faire parler n’engage à rien alors que l’écoute oblige ». Nous nous sommes beaucoup questionnés, pour chercher en quoi l’écoute oblige, et comment faire pour rendre l’écoute opposable. Notre conclusion c’est que finalement, ce qui rend l’écoute des citoyens opposable, c’est l’existence de contre-pouvoirs pour forcer les institutions à dépasser leur biais de confirmation qui les conduit à n’écouter que ce qu’elles sont prêtes à entendre. D’où l’importance, par exemple, d’une presse libre et indépendante (qui manque cruellement à l’action publique locale), d’où l’importance aussi du mouvement social mis en péril par la répression du droit à manifester.
Manon - L’écoute à construire n’est pas « tous azimuts », c’est une écoute redistributive : il faut que les institutions prennent conscience qu’elles ont ce biais de confirmation et qu’elles ont tendance à écouter et à sur-représenter une partie des usagers.     

Manon - Ce que nous constatons, c’est que l’accent est mis par les commanditaires des démarches de concertation sur leur qualité méthodologique. Cela conduit les élus à endosser un rôle de « super chef de projet » pour vérifier que le calendrier est tenu, que le protocole et la méthode sont respectés, que les outils conviennent, qu’il y a « assez de monde » à la réunion citoyenne, etc. On a plutôt l’impression qu’il y a une bureaucratisation de ces démarches, davantage qu’une véritable prise de risque politique. Les élus se retrouvent à administrer la démocratie participative alors qu’on attend plutôt d’eux qu’ils démocratisent l’action publique.

Nicolas - Cette bureaucratisation que décrit Manon nous interpelle en tant que professionnels de l’innovation démocratique : dans quelle mesure notre fonction d’accompagnement de ces démarches consiste à réduire la prise de risque, à faire en sorte que ces démarches soient les plus balisées possibles ? Alors que ce qui fait le fondement de la démocratie, c’est qu’on ne peut pas écrire à l’avance ce qui va sortir de la discussion ou du vote.

On ne fait pas un procès d’intention aux élus ou aux services qui pilotent ces démarches. Même quand les intentions sont bonnes, on reste dans une forme de recherche de maîtrise de ces dispositifs, ce qui fait qu’ils ne sont pas des contre-pouvoirs. 

Nicolas - L’objet COPIL illustre bien le décalage entre l’ingénierie des dispositifs de participation et l’absence de réflexion sur le fonctionnement interne des institutions. Le COPIL est omniprésent dans la fabrique de l’action publique mais c’est un impensé en termes de démocratie. Il incarne le flou sur le partage des rôles entre le technique et le politique. On compte sur les élus pour démocratiser l’administration et ils viennent plutôt administrer la démocratie, en questionnant sur des points méthode ou de process. Ils passent ainsi à côté de la fonction qui est la leur, de politiser l’action publique en donnant à voir les espaces de choix et les controverses qui s’expriment au sein de leur population.

Manon - On propose de remplacer les « copil » par des « copol », des comités de politisation, pour en faire des espaces de débat entre les élus, entre les élus et les agents, sur les marges de manœuvre technique. On prend l’exemple de la gestion de l’eau dans le livre comme sujet perçu comme technique alors qu’il est éminemment politique. Remplacer le pilotage par la politisation, on pense que ça fait partie des petites propositions du livre qui peuvent être mises en œuvre assez rapidement par l’ingénierie interne aux administrations. 

Podcasts

https://unadel.org/la-democratie-participative-en-question/

A partir du constat que notre Démocratie est en souffrance, le jeudi du Développement Local du 19 septembre,  a mis en évidence l’importance d’imaginer des solutions nouvelles voire de réactiver des solutions anciennes, un peu oubliées, qui ont pourtant fait leurs preuves.  Des propositions ont été avancées.



https://podcasters.spotify.com/pod/show/frequencecommune/episodes/2026--Lmission----Faut-il-en-finir-avec-la-dmocratie-participative-e2ik3bu

Depuis plusieurs dizaines d’années la participation citoyenne cherche à compenser le manque de démocratie du fonctionnement républicain. Mais les budgets participatifs, réunions publiques, conseils de quartier, conventions citoyennes, loin de résoudre les travers de la toute-puissance des élus et de l’absence de démocratie, tendent à instrumentaliser la légitimité populaire et conduisent parfois même à un renforcement de la centralisation du pouvoir.

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas aujourd'hui dans la participation citoyenne ? Pourquoi en est-on arrivé là ? Cela signifie-t-il qu’associer directement les habitants aux prises de décisions est impossible ? Comment se positionner par rapport à la participation citoyenne lorsqu’on revendique une révolution démocratique ?


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